Témoignage d’une grossesse arrêtée

image en noir et blanc. femme repliée sur elle, visage caché.

Un témoignage ?

Je pourrais te faire des articles et encore des articles sur le sujet. Aujourd’hui il me tenait à cœur de partager un témoignage que j’ai reçu d’une maman. Elle a subit une grossesse arrêtée.
Cette maman a accepté de témoigner pour elle, pour poser des mots sur ses maux. Elle témoigne également pour toi, parce que tu n’es pas seul.e …

Ma grossesse arrêtée… la prise des comprimés

Aujourd’hui je vais prendre ces 2 comprimés qui vont me séparer de toi. Non pas que je l’ai voulu, je n’ai juste pas le choix.

Ton cœur n’a pas battu comme il aurait dû, ton corps ne s’est pas développé comme il aurait dû.
Nous avons cohabité quelques semaines ensemble, et j’ai ressenti ta présence par des centaines de petites bulles.
Et puis petit à petit, tout disparaissait, pour ne laisser que cette place béante dans mon ventre. La place que tu devais occuper.
J’ai cru en toi bien plus que d’autres, j’ai rêvé de toi. Aujourd’hui je te laisse partir toi aussi. Comme un échec. Un de plus.

Ces 2 comprimés vont m’aider à te laisser partir. Au début c’est une sensation de chaleur qui se propage. Puis viennent des ressentis étranges: une sensation de mouvement comme des grosses bulles qui courent de gauche à droite. Ensuite, je sens mon ventre qui tiraille, qui travaille dans le but de se séparer de toi.

Doucement, ces tiraillements deviennent des douleurs semblables à des douleurs ligamentaires ou bien des douleurs de cycle. Le liquide chaud commence à couler. Je prends conscience que dans quelques heures je ne te porterai plus dans mon ventre.
Peu de temps après, les antidouleurs font effet, mais je sens l’écrin qui te retient se contracter. La sensation est différente, proportionnelle à la matière qui va être expulsée.
En me rendant aux toilettes, je sens glisser le tissu qui t’appartient. Celui qui était censé t’apporter tout ce dont tu avais besoin. Ce tissu qui aurait été ton placenta. Cette plaque rouge foncée représente tout ce que je perds.

La grossesse arrêtée: l’effondrement

Cette fois, tu es parti. Je ne suis plus enceinte, je ne suis plus une future maman.
Je suis tout simplement une femme dont le cœur est brisé en mille morceaux pour la 3ème fois.
Cette plaie est plus profonde que les précédentes, plus difficile à cicatriser.

Je t’ai imaginé pendant des semaines et du jour au lendemain tout s’est effondré. Je ne sais plus quoi faire, je suis perdue.
Le manque s’est installé. Le manque de toi, le manque de projet, le manque de futur.
Tout ce que j’imaginais a disparu. Il faut penser à autre chose comme si rien n’avait existé, comme si rien n’était arrivé.
Mais moi je sais que tu as été là, même minuscule. Tu as existé. On t’avait appelé Marcel(le). C’est ridicule mais c’était ton nom quand on parlait de toi.

J’ai laissé couler mes larmes, seule, pendant des semaines : dans ma voiture, mon lit, mon canapé, sur la plage, dans la rue, même sur la lunette de mes toilettes. Je voyais tout ce qui faisait toi s’en aller.
Les jours et semaines ont passé et rien n’a changé. Toujours ces douleurs et ces pertes qui se sont transformées en hémorragie plus d’un mois après. Comme pour me rappeler que tu n’étais pas qu’un rêve.

Après une grossesse arrêtée

C’est fou de se dire qu’il y a un an je disais que je ne voulais plus d’enfants alors qu’au fond de moi, je savais qu’un jour j’en aurais 3. Et je suis là aujourd’hui à te pleurer. A pleurer l’image que je me faisais de toi, à pleurer ton odeur que je ne sentirai pas. Et à pleurer la forme de tes mains, de tes pieds que j’aurais embrassés. A pleurer les reliefs du visage que tu aurais eu, semblable à tes frères et sœurs.

Et puis, il a fallu avancer. J’ai voulu tout abandonner et me dire que tout était terminé, que c’était un signe du destin. Que je ne méritais pas un 3ème enfant. Papa a été là pour me dire de ne rien lâcher, pour me dire que si on essaie pas une dernière fois, on regrettera.
Alors j’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai enchaîné, avec papa, les rendez-vous médicaux pour nous prouver que ce n’était pas de notre faute. Pour nous prouver qu’on avait le droit d’y croire, encore.

J’ai quitté des salles d’examen, en disant, souriante : « oui, ça va aller, merci, bonne journée à vous aussi ». Je remettais mes lunettes de soleil et je retirais ce masque souriant qui brûlait mon visage. Le cœur détruit. J’avais tellement envie le cœur détruit. J’avais tellement envie de leur dire « non, ce n’est pas une bonne journée ». Non ça ne va pas aller, pas cette fois.

La grossesse arrêtée… et les phrases de l’entourage

J’ai entendu ces proches qui me disaient : « c’est qu’il était mal formé », « la nature est bien faite ». « Ce n’était pas pour cette fois, la prochaine sera la bonne », « ce n’était pas grand chose, il était tout petit ». « Ce n’était même pas un bébé, arrête de pleurer », « Pense à ton travail, ça te fera penser à autre chose ». « Tu as déjà 2 enfants, consacre toi à eux », « pense à autre chose », « allez, ça va aller » . « allez, c’est bon maintenant, ça fait des semaines, passe à autre chose, tourne la page » …
Non, ça ne va pas aller ! La prochaine ne sera peut-être pas la bonne puisque les deux précédentes ne l’étaient pas. Non je suis incapable de me concentrer sur mon travail. Non, ce n’est pas parce que j’ai 2 enfants que je n’ai pas le droit de pleurer la perte du 3ème.
Si ! C’était un bébé, malgré son âge et sa taille. C’était un bébé, dans mon cœur, dans ma tête et au plus profond de mon âme. Oui ça fait des semaines et non je n’ai pas oublié, non je n’ai pas tourné la page.

Si tu savais comme mon cœur se brise à chacun de leurs mots, comme si on me forçait à devoir t’oublier. J’aurais dû leur hurler de me laisser tranquille, que ces mots m’abîment et me blessent. Qu’ils ne sont pas réconfortants et que d’ailleurs je ne leur ai rien demandé.
J’ai décidé de cacher ton existence, de cacher ta perte. La seule personne au courant a réussi, en 10min, a écrouler le peu de remparts qui restaient. Mais ça il ne le saura jamais car il ne portera jamais un bébé.

Mon âme sœur m’a dit (et tu l’aurais tellement aimé) : « Le bonheur en partant a dit qu’il reviendrait ». J’espère qu’elle me portera bonheur. J’espère que tu reviendras vite. Je t’aime. »

Pour mon petit bébé parti trop tôt.

ombre d'une femme devant un coucher de soleil sur l'eau, quelques nuages dans le ciel

Si toi aussi tu vis une grossesse arrêtée

Tu vis toi aussi une grossesse arrêtée ? N’hésite pas à en parler si tu en ressens le besoin : autour de toi, à un.e ami.e , à un professionnel de santé, à une doula…
Tu peux également m’écrire par mail si tu veux que ton témoignage aide les autres femmes sur le sujet des grossesses arrêtées ou sur tout autre sujet.
En attendant, voici un autre article sur les reflexions que tu peux entendre lors d’un arrêt de grossesse.

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